Qui je suis vraiment.


Je suis bisexuel.
Voilà, c'est dit, ou plutôt c'est écrit, et c'est angoissant de le lire, le relire, de l'entendre raisonner dans ma tête, et d'envisager que je vais publier ce texte.
C'est encore pire quand je le prononce à haute voix. J'ai la gorge qui se serre, le cœur qui s'emballe et l'impression d'être un imposteur. D'avoir toujours été un imposteur.
J'ai un peu honte aussi.
Pourtant, cela fait plusieurs années maintenant que je le sais, que je l'ai compris. C'est arrivé autours de mes 30 ans, à force de discussions avec ma compagne et de réflexions.
Ha oui, je vous ai pas dit, je suis bisexuel mais en relation hétéro et exclusive, depuis bientôt 17 ans et père d'une petite fille.
Et là, du coup j'ai encore plus l'impression d'être un imposteur.

Ça fait plusieurs années que je sais, mais en fait on pourrait dire que j'ai toujours su, et depuis aussi loin que je sais, j'ai honte.
En primaire, quand j'ai embrassé ce garçon. J'avais honte.
Au collège quand j'ai embrassé cet autre garçon, j'avais honte.
Et puis, toujours au collège, quand j'ai eu une relation pendant près d'un an avec cet autre garçon, j'avais honte.
Chaque jour.
Pendant quasiment un an de relation j'avais honte
Mais pourquoi ces pensées ? Pourquoi ces désirs ? Mais je suis pourtant pas un pédé ! Et puis j'aime cette fille aussi. Alors pourquoi, pourquoi est-ce que je ressent ça ?

C'est terrible de grandir dans l'ignorance, dans le déni. Sans savoir, sans avoir les mots. Nommer une chose c'est la faire exister. Ce qui n'a pas de nom, ne peut pas exister. Alors, on enfoui, on oublie, on ignore, on ferme les yeux, et on avance dans le noir.

La famille, c'était... compliqué on va dire. Pas mon père non, lui, je pense qu'il aurait compris.
Mais les grand repas avec les oncles, les tantes, les cousins, les blagues graveleuse sur les homos, l'homophobie ordinaire, et pédé, pédé, pédé qui revient à tout bout de champs, partout, tout le temps. "C'est pas un truc de pédé ça." "Ha non merci, je suis pas un pédé moi..."
Alors tu te dis... qu'est-ce que tu te dis ? Pas grand chose, tu refoules, encore, toujours, après tout c'est facile, elles me plaisent quand-même ces filles, alors pourquoi se poser des questions ?

Et pourquoi à 36 ans passé en parler ? Ça n'aura pas d'impact sur ma vie après tout, je suis en relation hétéro exclusive et voilà.
Pourquoi vouloir le dire maintenant alors ? Tu cherches quoi ? A faire ton intéressant hein ? Tu veux "avoir l'air cool" hein ? Mais qu'est-ce que tu cherches enfin ?
Je ne sais pas, mais voilà ce qui tourne dans ma tête quand j'envisage d'en parler.
Certaines personnes sont au courant depuis un moment, et ont toujours accueillit ça avec beaucoup de bienveillance, mais à chaque fois subsiste la peur, l'angoisse.
Et si je n'étais pas légitime ?
Et si je me racontait juste des histoires ?
Et si iels ne voulaient plus me parler ?
Et si je les décevait ?

Dans "Nous qui n'existons pas", Mélanie Fazi écrit à propos du coming-out :
"Le malaise de mentir à ses proches tant qu’on ne s’est pas dévoilé. La peur de ne pas savoir quelle sera leur réaction. Et la nécessité de parler quand même, parce qu’il vient un moment où la question ne se pose plus, parce qu’on en crève de se taire, de se cacher, parce qu’il arrive un jour où sa propre survie pèse plus lourd dans la balance que la peur des réactions.
[...] tant que rien n’est fait, on ne sait pas, et on vit dans l’appréhension. Pas seulement celle d’être rejeté (je savais parfaitement que ce ne serait pas le cas) ; il y a aussi la peur de blesser en avouant qu’on a menti. La peur de chambouler la vie de nos proches à un moment qu’on a choisi, mais qu’ils n’attendaient pas. La peur de dire : « Vous me côtoyez depuis toujours, mais vous ne me connaissiez pas vraiment. » On ne sait pas ce que ça remuera en eux. On ne sait pas comment ils l’encaisseront, ni si le moment est bien choisi.
On sait seulement qu’arrive un jour où l’on n’a plus le choix."
Je me retrouve beaucoup dans ces mots depuis que je les ai lu, et avec le temps, j'ai senti cette envie, ce désir, ce besoin de juste dire qui je suis vraiment. Parce que c'est une partie de moi que je n'ai plus envie d'ignorer, de cacher ou de déguiser.
Et peut-être qu'avec le temps et l'acceptation, le sentiment d'imposture disparaîtra, la honte disparaîtra et j'arriverai à être fier, juste fier.

Commentaires

  1. Tu peux être fier !! Je sentais bien depuis quelques temps que ça demandait à sortir ! Voilà c'est fait, bravo à toi, je t'embrasse <3

    RépondreSupprimer
  2. Il n'y a aucune honte à avoir. L'amour revêt mille formes, l'important est de le ressentir, de pouvoir le vivre. Je te souhaite, après avoir mis les mots, de te délester du poids de cette honte. Bravo à toi d'en avoir parlé ! Puisse cela t'aider et aider d'autres personnes dans la même situation que toi.

    RépondreSupprimer
  3. Tu ne fais pas ton intéressant, tu n'as pas à avoir honte, ce sentiment peut venir du fait d'avoir été entouré par des gens qui ne respectent pas les personnes avec une sexualité différente de l'hétérosexualité. Tu as libéré la parole, et j'espère que tu te sens soulagé et en accord avec toi même. Je te soutiens dans ta libération !

    RépondreSupprimer
  4. Félicitations d'avoir pu surmonter tes craintes ! Je suis personnellement flatée que tu aies choisi de partager cette information essentielle mais très personnelle avec nous, tes "connaissances" des réseaux sociaux. Si cette révélation n'a pas d'impact direct sur ta vie, sache qu'elle en aura sur la mienne car je ferai encore un peu plus attention à éviter les mots qui pourraient donner le même type de honte à d'autres personnes. Quand une minorité ne se déclare pas, on a tendance à oublier son existence. Ton "coming out" c'est aussi une petite piqûre de rappel que l'amour et le désir prennent des formes multiples et c'est tellemement beau :)

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire